Dire que Peter Jackson a eu le vent en poupe est un doux euphémisme. Fort du succès rencontré pour sa dantesque trilogie consacrée au Seigneur des
Anneaux de J.R.R. Tolkien, le réalisateur néo-zélandais put enfin se consacrer au film qu'il rêvait de faire depuis un bout de temps. Cela fut même la raison pour laquelle il acquérit des
ordinateurs dans les années 90, qu'il étrenna en1996 avec ce super divertissement qu'est Fantômes Contre Fantômes (The Frighteners) qui fut pourtant un échec au
box-office.
Malheureusement, son projet concernant King Kong tomba à l'eau à cause des sorties ciné des années 1997 et 1998, trop riches en films de monstres : Le
Monde Perdu (Jurassic Park 2), Mon ami Joe, Godzilla...
Quelques années plus tard, le King Kong de Peter Jackson sort dans les salles et n'aura pour concurrent que des blockbusters bien différents avec
Harry Potter et la Coupe de Feu et
le premier épisode de Narnia.
Pour autant, il faut garder en tête que le film de Peter Jackson est un remake. Et le monde des remakes est dur, car il est rare qu'une nouvelle version surpasse
l'originale. Surtout que le premier King Kong de 1933 est un film culte, un chef-d'oeuvre, un monument du 7ème art, en plus d'être le film préféré de Peter Jackson (et également d'Adolf
Hitler...). Un remake avait déjà tenté de se faire une place au soleil en 1976 mais fut plutôt boudé, notamment pour son parti pris écolo et sa poésie hippie qui l'ancre trop dans les
seventies.
Mais Peter Jackson revient à la source du mythe et prend pour toile de fond l'époque du premier film, à savoir les années 30, illustrée par une reconstitution
magnifique du New York de cette période. Les années 30, c'est aussi et surtout l'époque préférée des meilleurs films d'aventures, la preuve avec les trois premiers films de la saga Indiana
Jones. Il s'agit là de la dernière époque plausible où l'on peut encore faire croire à des terres inexplorées ou des îles inconnues. Quand on s'attèle à la réalisation d'un film d'aventures,
mieux vaut connaître les ingréditens-clés pour qu'il soit une réussite. Et le King Kong de 2005 en est une.
On n'ira pas jusqu'à dire qu'il détrône la version de 1933, définitivement trop ancrée dans les esprits, et qui demeure surtout un classique intouchable, mais la
dernière version en date demeure quand même un bon gros film d'aventures à l'ancienne, avec les technologies d'aujourd'hui.
Car, du point de vue visuel, le spectacle est de toute beauté. Les effets visuels, que cela soit pour les décors ou les créatures, sont pour la plupart
impressionnants, et ce même cinq ans après la sortie du film. Mention spéciale à Kong, qui bénéficie de la même technologie d'animation que le Gollum du Seigneur des Anneaux. Une belle
victoire pour l'équipe technique puisque ce genre de long-métrage commencera à prendre des rides à cause de son côté technique. Mais de bons effets spéciaux restent moyens si le type derrière la
caméra ne sait pas les mettre en valeur. Et pour cette raison, Peter Jackson est indéniablement un bon réalisateur. Tout comme Steven Spielberg avec ses deux Jurassic Park qui, même plus
de dix ans après leur sortie, restent des références. A ce titre, le King Kong de Peter Jackson constitue un des films les plus palpitants pour ce qui est de mettre en scène des
créatures préhistoriques et/ou gigantesques (avec peut-être le Godzilla de Roland Emmerich). Malgré tout, la surabondance d'effets numériques dans le film de 2005 risque de lui jouer des
tours, si cela n'a pas déjà commencé puisqu'entre une scène où l'arrière-plan est réel, et une autre où il ne l'est pas, l'oeil humain fait aisément et subtilement la différence.
Niveau action, ça douille pas mal et le réalisateur multiplie les séquences anthologiques. Que cela soit l'embouteillage des brontosaures, le combat entre Kong et
les T-rex ou encore la course-poursuite dans les rues new-yorkaises, on est littéralement happé par cette aventure mouvementée où le plus décevant sera sûrement la scène finale au sommet de
l'Empire State Building (rien de nouveau à l'horizon, même dans la forme).
Mais le film est surtout entâché par un défaut aussi gros que son héros poilu capable de se gratter sous les bras avec ses propres pieds : sa longueur, qui avoisine
les 2h45. Cette durée surprenante est surtout causée par une première partie qui prend vraiment son temps pour présenter les nombreux personnages du film. Passées les vingt premières minutes dans
un New York qui subit encore la crise de 1929, les quarantes autres de la première heure se déroulent exclusivement sur le bateau et risquent de perdre plus d'un spectateur en route car il ne s'y
passe pas grand chose à part des plans d'ensemble qui montrent le vaisseau avancer dans les flots et la romance grandissante entre Ann et Jack. Cela permet pourtant de présenter des éléments qui
autoriseront quelques raccourcis scénaristiques. C'est ainsi le cas avec l'expérience que l'équipage du navire semble avoir dans la maîtrise des grosses bébêtes, ce qui ne sera pas inutile pour
ramener le singe géant sur le continent américain. On peut aussi penser que Peter Jackson a particulièrement pris son temps à présenter ses personnages pour mieux nous les faire apprécier car pas
mal d'entre eux ne reviendront pas du voyage sur l'île. Quant aux rescapés, ils en seront fortement marqués.
La deuxième partie qui se déroûle sur l'Île du Crâne (Skull Island) est de loin la
plus intéressante et la plus palpitante puisque le côté aventure pur jus prend le dessus, avec les longues marches en forêt et les courses-poursuites et jeux de cache-cache avec les monstres et
indigènes. Ca valait le coup d'attendre une heure pour que ça bouge enfin. Et pour bouger, ça bouge! On n'est pas déçu du voyage et les bastons sont assez violentes. Pas mal de pauvres types se
font zigouiller, et de diverses manières : massacré par les indigènes, écrasé par un brontosaure, dévoré par un raptor, chute dans un précipice... Cette violence a cependant le mérite de ne pas
être graphique, et à la manière de Spielberg qui cache les scènes gores de Jurassic Park par un élément du décor, Jackson use des mêmes artifices pour éviter les effusions de sang
gratuites qui risqueraient d'être préjudiciables à une classification tout public.
Outre le côté technique plus que maîtrisé, le film bénéficie d'un bon casting. Naomi Watts joue une poupée Barbie convaincante pour le sing géante, Adrien Brody se
coltine celui de l'écrivain au grand coeur et Jack Black incarne ce que certains ont vu comme un double de Peter Jackson lui-même dans le film. Force est de constater que les deux hommes se
ressemblent par leur corpulence, et si la plupart des personnages du film sont dessinés de manière assez radicale, celui de Jack Black demeure le plus intéressant : prêt à tout pour réaliser son
film et constamment accroché à sa caméra, jusqu'où ira-t-il pour parvenir à ses fins? Une question qui trouvera une réponse grâce à son acolyte (interprété par Colin Hans, fils de Tom) dont le
visage endurci après les péripéties sur l'île parle de lui-même.
A la manière du film de 1933, celui de 2005 conserve quelques moments romantiques entre la belle blonde et le gorille. Ils sont plus rares et sentent fortement le
soleil levant/couchant numérique, mais sont bel et bien là. Mention spéciale à la très jolie scène de la patinoire nocturne. La musique illustre plutôt bien ces instants intimistes en se faisant
délicate, et comme la tradition le veut, je vais consacrer un petit paragraphe à la B.O.F.
Peter Jackson a collaboré pour les trois Seigneur des Anneaux avec le compositeur Howard Shore qui livra une musique inspirée instantanément devenue culte.
Si ce dernier faisait partie du projet King Kong, un "différend artistique" avec le réalisateur le fit quitter l'aventure quelques semaines avant la sortie du film. James Newton Howard
(JNH pour les intimes) le remplaça au pied levé et si son travail n'est pas extraordinairement marquant, le résultat final est plus que satisfaisant compte tenu du délai extrêmement court dont il
disposa pour achever son oeuvre. La B.O. de King Kong est assez simpliste, que cela soit son thème principal imposant ou ses douces mélodies, mais elle est surtout extrêmement puissante pour
accompagner les séquences d'action effrénées qui parsèment les 2h45 de film.
Enfin, dernier mot concernant la version longue : le montagne initial ne compte que quinze minutes supplémentaires environ dont les plus intéressantes sont surtout
celles consacrées à la scène du radeau, dont je ne comprends pas la suppression du montage cinéma. L'Edition De Luxe 3 DVD acquise neuve à 5 € répondra peut-être à ma question quand je parcourrai
les nombreux bonus. C'est sans compter presque 40 minutes de scènes coupées, assez intéressantes mais qui, si rajoutées au montage final, auraient lieu à un film de plus de (irg!) 3h30. Bien trop
long... Déjà qu'on se plaint des 2h45...
Dans tous les cas, et pour conclure cet avis sur le King Kong de Peter Jackson, il s'agit là d'un bon gros spectacle, certes un peu long, mais prenant, qui
rend brillamment hommage au film original, et réserve d'excellents moments de bastons avec de vilaines bébêtes géantes.
Et pour l'anecdote, c'est le film qui réunit avant l'heure les deux acteurs principaux du film Tintin de Spielberg : Jamie Bell et Andy Serkis.
Le futur capitaine Haddock, ça sera lui!
Tintin, ça sera lui!