Contrairement à mon frère (dont l'exploit consiste à reconstituer le rayon manga de la Fnac dans sa chambre), je ne suis pas fan des BD japonaises. Fan n'est peut-être pas le mot. J'en
apprécie certaines. J'ai lu plusieurs séries, parmi lesquelles les plus connues que certains ont majoritairement suivies en anime (Dragon Ball). J'ai tenté d'autres styles avec
Kenshin, Love Hina, Suzuka, Evangelion... J'avais même commencé Naruto, mais ça m'a rapidement soûlé (bordel! ça se termine quand?). Un qui m'avait
pas mal plu aussi, c'est Monster, mais le final m'a pas mal déçu.
Mais aucun de ces mangas ne m'a autant emballé que Death Note. Et je ne fus apparemment pas le seul à être passionné par cette histoire au postulat de
départ un peu louche mais qui a donné une des plus intéressantes intrigues que j'ai pu lire à ce jour dans le monde du manga.
Un jeune étudiant qui a tout pour lui (beauté et intelligence) et s'ennuie à mourir tombe un jour sur un drôle de cahier intitulé "Death Note" et sur lequel sont
écrites des règles indiquant que celui dont le nom est inscrit dedans meurt. Très vite, cet étudiant (répondant au nom de Light Yagami, ou Raïto Yagami, selon les versions) se sert de ce pouvoir
pour débarrasser le monde des criminels. Mais très vite, les polices du monde entier, inquiétées par ces exécutions surnaturelles, se mobilisent et contactent le plus fin limier de tous les
temps, le célèbre L., pour résoudre l'affaire et arrêter le tueur qui a pris le nom de Kira.
A la manière de Columbo, on sait dès le début qui est le coupable. Et toujours à la manière de Columbo, le plus attrayant dans l'histoire, c'est la manière dont ce
tueur va être démasqué. S'engage donc un passionnant jeu de cache-cache et de réflexion où Kira et L. s'affrontent à coups de bluff et de stratagèmes machiavéliques.
La psychologie des personnages est vachement poussée, et vu que les deux principaux héros, que tout oppose, sont des surdoués, leur réflexion est millimétrée et le
lecteur a connaissance des projets de chacun (que va faire l'autre? comment va-t-il réagir si je fais ça?). Comme cette partie de tennis où Kira et L. s'affrontent et se demandent si le fait de
gagner ou de perdre exprès pourrait trahir.
Si encore Death Note s'arrêtait là, ça serait pas mal. Mais ça va plus loin
puisque, à côté de ça, s'engage aussi un affrontement entre deux courants d'idées, avec un débat qui fait toujours polémique : la peine de mort. Kira incarne bien évidemment le combat en faveur
de cette sentence, car ce sont les innocents qui payent les erreurs de criminels qui s'en sortent toujours à cause d'un système corrompu. Mais L. est plutôt du côté de la justice et croit en
elle, sans avoir recours à l'exécution.
La psychologie la plus intéressante est bien sûr celle de Kira/Light/Raïto. En effet, difficile de ne pas se mettre à sa place et de ne pas se poser la question
suivante : si le Cahier de la Mort tombait entre mes mains, m'en servirais-je pour tuer les gens qui le méritent? Une question qui est à la base même du débat sur la peine de mort : qui peut
décider de qui doit vivre ou mourir?
Light répond bien sûr à la question et est, au premier abord, pétri de bonnes intentions (mais il va bien sûr aller trop loin). Il a conscience qu'en tuant des
criminels, il en devient un à son tour. De cette manière, n'encourt-il pas lui aussi la peine de mort? Les deux auteurs du manga répondront eux-mêmes lors du final.
Ces deux auteurs sont Tsugumi Ôba (scénario) et Takeshi Obata (dessin).
C'est là l'occasion de souligner le côté "technique" du manga car Death Note est aussi une oeuvre extrêmement bien construite et dessinée. Le découpage des
cases est cinématographique (je tremble encore de plaisir en repensant à la scène du métro dans un des premiers tomes), et le dessin est superbe. Les traits sont fins, les personnages et les
arrière-plans sont détaillés... Mieux que ça : en adoptant un côté réaliste, on sent réellement le physique japonais des héros puisque Death Note se passe sur la scène internationale où
interviennent des personnages occidentaux. De cette manière, Death Note n'est pas, comme certains mangas, difficilement accessible parce que s'ancrant dans la culture et les moeurs nipponnes.
Loin de là. L'histoire est donc largement "internationalisée" pour plaire à un public de n'importe quelle nationalité (c'est déjà pas mal!).
Egalement, on ne peut évoquer Death Note sans évoquer un des mystères qui l'entoure. Si le dessinateur Takeshi Obata est connu, ce n'est pas le cas de
Tsugumi Ôba sur lequel on n'a aucune information. De nombreuses rumeurs ont couru sur son identité : est-ce un homme? une femme? plusieurs scénaristes? Personne ne le sait. Mais si Death
Note est superbement dessiné, sa force vient surtout d'un scénario extrêmement bien écrit qui a su garder un rythme quasi-constant durant 12 tomes (même si la deuxième partie de l'histoire
est souvent moins appréciée que la première).
Comme tout manga
qui se respecte, dès que succès il y a, des adaptations suivent. La plus courante, c'est bien sûr l'anime, que j'ai eu le plaisir de voir et qui est extrêmement fidèle à l'oeuvre d'origine (sauf
peut-être dans la deuxième partie où les longueurs du manga sont gommées, ce qui n'est pas plus mal). L'acquisition en DVD me tente bien, mais les prix sont beaucoup trop élevés (37 épisodes
répartis en trois coffrets coûtant en moyenne ... entre 20 et 30 €, ce qui est bien cher pour douze épisodes de 20 minutes ; l'intégrale coûte elle-même 80 €, ce qui est encore plus
cher!).
Autre adaption, c'est au cinéma. En effet, trois films ont vu le jour. S'ils reprennent les grandes lignes de la première partie de l'histoire, les deux premiers
sont très très très très moyens (euphémisme pour dire "presque mauvais"). Le troisième est quant à lui un spin-off douteux sur le personnage de L. que je n'ai pas eu l'occasion de
mater.
Une critique des deux premiers films suit. je suis assez d'accord avec elle. Je l'ai prise sur ce lien. Pour ceux qui ont la flemme de cliquer (difficile à croire
mais ça existe!), je fais un copier-coller.
Autre rumeur : la Warner Bros aurait acquis les droits pour en faire un film à la sauce USA. Les fans se déchaînent donc, notamment sur le casting. Sur qui pourrait incarner
Light Yagami, notamment. Zac Efron (High School Musical) et Chace Crawford (Gossip Girl) ont bien la tête de l'emploi, non?
Critique du film
Difficile, quand on s'intéresse un tant soit peu aux mangas, d'être passé à côté de Death Note. Véritable phénomène au Japon, le fait que cette série se
décline à l'heure où nous parlons sous trois formes différentes (support écrit, série animée et deux films de deux heures chacun environ) prouve une nouvelle fois le succès qu'elle
suscite.
Un brillant étudiant du nom de Light Yagami (Raïto Yagami, en version originale) découvre un étrange cahier dans lequel figure un certain nombre de règles dont une
spécifiant que la personne dont le nom y est écrit mourra inexorablement. Très vite, le jeune homme se sert de ce pouvoir pour créer un monde nouveau épuré de sa criminalité galopante, mais la
police, inquiète de ce génocide, n'hésite pas à contacter un célèbre détective, L. Une longue traque commence alors...
Sur un postulat de départ que l'on aura parfois du mal à avaler par son penchant trop fantastique (les dieux de la mort et leur fameux cahier), force est de
constater que Death Note se présente plus comme une très grosse enquête palpitante dans laquelle on suit l'évolution du héros (qui est en fait le grand méchant du film). Suspense,
rebondissements, manipulations, on est en plein dans le thriller urbain, et la tension y est insoutenable. On se surprend à encourager Light Yagami, dit Kira, et chacun est libre, durant sa
lecture, de se forger une opinion sur ses agissements, tout en se posant une question sans réponse : peut-on en vouloir à quelqu'un qui décide de décimer tous les criminels pour donner naissance
à un monde où règnerait d'une main de fer la justice? Cette personne est-elle à son tour un criminel ?
Sans conteste, le scénario de Death Note est brillant, même si on ne sait pas réellement qui remercier pour une telle histoire, le scénariste préférant
rester secret, son nom lui-même (Tsugumi Ôba) n'étant qu'un pseudonyme derrière lequel se cache peut-être un homme, une femme voire un groupe de scénaristes. Mais c'est ausi la forme qui séduit,
car le manga bénéficie d'un dessin vraiment magnifique, signé Takeshi Obata (le nom ne vous dit rien ? A moi non plus). Les traits sont fins, les cases font penser à des plans cinématographiques,
et le tout se veut définitivement réaliste (les personnages ont bien le type nippon et ne sont pas ces figures classiques du manga où l'on retrouve souvent des gros yeux, un petit nez pointu et
des coiffures pas possibles).
Hélas, on ne pourra dire la même chose des films éponymes, qui rencontreront cependant un franc succès au box-office japonais. Si l'on sent un réel désir de coller
au plus près du manga d'un point de vue visuel, c'est hélas très approximatif en matière de scénario.
Pour commencer, le casting est judicieux. Les acteurs sont assez ressemblants, de même que les lieux, même si on pourra reprocher des interprétations assez
théâtrales (point faible du cinéma japonais). La mention spéciale peut être faite à l'intégration numérique des dieux de la mort (Shinigami). Si on pouvait craindre des effets spéciaux
ridicules, force est de constater que le tour de force est réussi, et on croit totalement en l'existence de ces créatures apocalyptiques.
Mais le bât blesse au niveau de l'histoire. La transition papier-écran est plutôt mal faite car le scénario s'attarde trop sur des éléments inutiles et passe
rapidement les faits importants. Le premier film, sorte de grosse introduction, se voit nanti d'un rythme très lent. Pire, des personnages inutiles (et inexistants dans le manga d'origine) sont
rajoutés comme Shiori, la petite amie de Light. Son destin funeste, qui sert de conclusion au premier épisode et dont l'intrigue se retrouve mêlée au sort de la fiancée de Raye Penber, constitue
une liberté impardonnable qui nuit énormément à la qualité du métrage et à la fidélité : Light Yagami est cruel mais pas au point de tuer sans remords ses proches.
On se rattrape légèrement sur le deuxième film mais là encore, le final ridicule plombe tout, les explications sont confuses et la personnalité de Light est
définitivement mal cernée.
On ne peut s'empêcher d'ailleurs de penser à une adaptation faite à la va-vite pour surfer sur la vague du succès. Il est cependant regrettable de voir à quel point
un manga au style si réaliste et cinématographique ne soit pas mieux adapté sur grand écran.
Au final, les deux films Death Note sont des pavés dans l'eau à la qualité somme toute très relative. Les fans purs et durs de ce manga génial au demeurant
ne trouveront pas eux-mêmes leur compte et se tourneront vers la série animée bien plus réussie qui suit à la lettre près le support écrit. Reste un spectacle pas désagréable mais pas abouti et
bâclé.
NOTE : 5/10