Batman
& Robin... Y en a, des gens qui en veulent à ce quatrième épisode d'avoir littéralement défoncé l'image burtonienne de Batman, tant et si bien que l'homme
chauve-souris sera resté au placard presque dix ans avant d'être dépoussiéré et remis au goût du jour grâce à un très bon Batman Begins et au chef-d'oeuvre qu'est The Dark
Knight.
Mais Batman & Robin, dans la lignée du précédent article, est avant tout un nanar de première classe. Une bouse de luxe. Une parodie qui, malgré ce qu'on en
dit, s'assume complètement.
Voilà dix ans que Batman & Robin est sorti sur nos écrans. Batman & Robin ou comment enterrer un mythe qui restera oublié
des producteurs durant presque huit ans. Mais ces derniers temps, une minorité commence à émerger et à affirmer ses opinions. Parmi l'une d'elles figure l'interrogation qui fera frémir chaque fan
du Chevalier Noir : Batman & Robin est-il réellement le navet que l'on nous décrit depuis une décennie? A l'heure où le héros de Bob Kane reprend des couleurs grâce au réussi
Batman Begins et au très réussi The Dark Knight, il est temps de revenir sur les erreurs du passé. Après tout, bon nombre de films très décriés à leur sortie au cinéma ont pu
retrouver une seconde jeunesse grâce au DVD (Fight Club) ou à la notoriété grandissante d'un réalisateur alors à l'époque peu connu (Batman Returns).
Puisqu'on en vient à citer Batman Returns, c'est paradoxalement la faute à ce deuxième épisode que les deux suivants, signés Joel Schumacher, ont été
mauvais. Mais par mauvais faut-il encore comprendre calibré, commercial, puéril...
Et pourtant, actuellement, ce sont bel et bien les deux premiers épisodes de Tim Burton (Batman et Batman Returns) qui prennent un coup de vieux.
Et, comme pour respecter l'équilibre, c'est finalement Batman Forever et Batman & Robin qui gagnent petit à petit du terrain. Dur à croire? Et pourtant... Certes, les films
Batman ont toujours été associés à des films à grand spectacle, tout comme le sont les Spider-Man et les X-Men, mais on ne peut nier que la définition de grosse production
a bien changé ces dernières années.
La grosse production possède l'avantage d'être techniquement irréprochable, à défaut d'avoir un casting prévisible (les stars du mom ent, les étoiles qui
montent, ceux qui n' ont plus rien à prouver). Avec son budget de 110 millions de dollars, Batman & Robin mérite, bien évidemment, d'être qualifié de grosse production. Histoire de
se faire une idée, le plus gros budget s'élève actuellement à 300 millions. Inutile de dire qu'avec le flop critique et public de cet épisode, la Warner Bros a dû revoir ses ambitions pour Batman
à la baisse.
Avec les recettes engrangées pour Batman Forever (film et produits dérivés), les producteurs n'ont pas pu résister à l'appât du gain et mettent en chantier
le quatrième opus directement après la sortie du troisième, avec la même équipe et les mêmes acteurs. Problème! Val Kilmer (Bruce Wayne/Batman dans Batman Forever), étant déjà en
tournage pour Le Saint, ne peut reprendre le co stume de l'homme chauve-souris (il sera nommé pire acteur aux Razzie Awards pour ce film). Le choix se porte alors sur George
Clooney, qui avait déjà fait ses preuves dans la série Urgences (et accessoirement dans une série Z répondant au doux nom du Retour des Tomates Tueuses). Robin,
Alfred et Gordon resteront quant à eux fidèles au poste.
La question suivante qui s'était posée était alors quels acteurs pour quels méchants? Au vu de la tradition instaurée par Batman, de Tim Burton, il faut
que le(s) méchant(s) soit/soient joué(s) par une/des star(s) reconnue(s)! Jack Nicholson (Shining), Danny DeVito (Vol au-dessus d'un nid de coucou), Michelle Pfeiffer
(Scarface), Tommy Lee Jones (Le Fugitif), Jim Carrey (The Mask)... Mais qui allait succéder à tout ce beau monde?
Il était d'ores et déjà prévu quels seraient les méchants des quatrième et cinquième(!) épisodes : Mr Freeze, Poison Ivy pour le 4, l'Epouvantail pour le 5.
Car la Warner est prévoyante (la coquine!), elle comptait sûrement déjà enchaîné sur un Batman 5 (amusez-vous à chercher le titre) avec le même réalisateur et les mêmes acteurs!
Mais avant d'aller plus loin dans le futur, revenons à notre cher Batman & Robin, le vilain (très vilain) petit canard qui ose mettre en tête d'affiche
de grands acteurs comme Arnold Schwarzenegger et George Clooney dans un seul et même film qu'on qualifiera par la suite de véritable navet.
Ses choix douteux ont d'ailleurs leur histoire. Joel Schumacher est allé chez Schwarzenegger en personne lui demander de jouer le rôle de Mr Freeze. Devant
l'attitude hésitante de notre Terminator, le réalisateur de Batman Forever a alors balancé l'ultimatum : "si tu ne joues pas dans ce film, je ne le réalise pas". Vraiment louche tout ça.
D'autant plus que Schwarzie n'avait vraiment pas la tête de l'emploi. Et à l'époque, Freeze se devait de ressembler au personnage qui apparaissait dans le dessin animé : un scientifique tout pâle
et tout frêle au visage allongé.
A l'époque, Batman et Batman Returns avaient engendré Batman : the animated serie, un dessin animé que certaines générations n'oublieront
pas! Nous sommes alors en 1993, et à partir de ce moment, le série connaît un succès fou! La raison? Paul Dini et Bruce Timm, ses créateurs, n'ont pas fait un banal dessin animé commercial qui se
contentent de reprendre les personnages clés du film et de les dessiner. Les deux compères se réapproprient le mythe de Batman à la sauce Burton en tirant le meilleur : un côté sombre et torturé,
à la fois pour le héros et pour le méchant, un design particulier très "comic" (voitures, vêtements et coiffures des années 50). Ce dessin animé a permis à Batman de reconquérir un public
nouveau, notamment après la sortie de Batman Returns, qui fut lui aussi à l'époque un échec (trop sombre pour le public familial). Mais cette série animée a été aussi indirectement
déclencheur du troisième épisode de Batman, le fameux Batman Forever, qui change absolument tout et surtout qui a été proposé par Bob Kane lui-même (le créateur de Batman), considérant
Batman Returns comme s'éloignant trop de l'oeuvre d'origine.
Le troisième épisode pourrait être considéré comme une adaptation du dessin animé, lui-même étant celle des deux premiers films. Si ce n'est que l'ambiance générale
devient plus joyeuse. Avec le changement de réalisateur (Tim Burton laisse sa place à Joel Schumacher et devient producteur), on ne pouvait que s'attendre à un changement radical d'univers. On
peut dire adieu à l'esthétisme sombre d'un Gotham en noir et bleu et dire bonjour à une boîte de nuit permanente où les néons sont partout présents (même dans les dents de Schwarzenegger,
on y reviendra). L'acteur principal change également : Michael Keaton, après une longue hésitation, laisse sa place à Val Kilmer qui, physiquement, correspond plus au Bruce Wayne du dessin animé.
Pour information, le pauvre Michael Keaton (de son vrai nom Michael Douglas) avait été très hué par les fans de Batman quand ils ont appris qu'il allait jouer le rôle. Et effectivement, comment
un homme frisé à la tête ronde peut-il incarner le golden boy à la mâchoire carrée qui se déguise la nuit en chauve-souris? Mais on ne cessera de le répéter : l'habit ne fait pas toujours le
moine, et Michael Keaton reste à ce jour un des meilleurs acteurs ayant incarné le fameux Batman.
La Warner voit aussi en Joel Schumacher un candidat plus malléable contrairement à Tim Burton. Alors que le réalisateur des deux premiers films avait
catégoriquement refusé d'inclure Robin, ce personnage fait ici sa triomphale apparition. Officiellement, les producteurs diront "c'était la suite logique de Batman : il devait un jour faire
équipe avec Robin", officieusement, il s'agit aussi de toucher les petits garçons rebelles et les adolescents en la personne de Dick Grayson, un jeune trapéziste qui perd ses parents, fan de
motos, de voitures et de rock. En bref, le parfait stéréotype du "d'jeun'z" en crise.
On était aussi en droit de se demander pourquoi Joel Schumacher avait accepté. Propos homophobes à part, Joel Schumacher est gay. Jusque là, tout va bien.
Seulement, on a trouvé l'excuse ultime pour expliquer pourquoi Batman Forever et Batman & Robin sont tels qu'on les connaît : parce que Joel Schumacher est
gay. Parce qu'il y a des néons partout, des statues d'Apollon un peu partout dans Gotham City et des têtons sur le costume de Batman, on considère les deux films comme des icônes du cinéma gay.
Il est vrai que la relation entre Batman et Robin portaient à controverse : deux hommes seuls dans un manoir...Ah non! pas seuls, oublions pas Alfred! Zou! Ménage à trois! Quant aux statues
d'Apollon, on les retrouve aussi dans les Batman de Burton (et Burton n'est pas gay). Sinon, pour les têtons... Pas vraiment d'explication, pour le moment. Schumacher déclarera qu'il ne pensait
pas que ce simple élément allait avoir un tel impact. Il se justifiera en disant qu'il voulait évoquer les torses grecs... Autant dire que le bonhomme devait avoir préparé son coup, c'est pas
possible (on connaît tous les blagues sur les Grecs). Tout ça pour dire que Jude Law et Ewan McGregor avaient postulé pour jouer le rôle de Robin. Imaginez notre jeune Obi-Wan avec un masque noir
: magique!
Quoiqu'il en soit, Batman Forever passe le cap, et, s'il ne reçoit pas un accueil chaleureux de la part des fans des premiers films, s'impose comme un
divertissement honnête avec un casting ambitieux : Val Kilmer (Willow, Top Gun), Tommy Lee Jones, Jim Carrey, Nicole Kidman (peu connue à l'époque) et Chris O'Donnell (qui ne sera jamais
connu autrement que par Robin).
Batman Forever représentait cependant une sorte de transition entre le Batman de Burton et le tristement célèbre Batman & Robin. Alors que
Batman et Batman Returnsprônent un côté sombre, cruel et violent, Batman & Robin/Batman Forever symbolise ainsi le perpétuel déséquilibre entre le film qui doit
faire suite à Batman Returns (les deux oeuvres n'ont en commun que les flash-back de Bruce sur la mort de ses parents) et l'espèce de gargouillis fluo où Batman n'a pas
peur de sauter du toit d'un immeuble sans savoir ce qu'il y a en bas (on parle bien de Batman, pas de Spider-Man). s'affiche dès sa bande-annonce comme un pseudo-dessin animé.
Ainsi, après avoir visionné Batman & Robin en long, en large et en travers (aucune allusion gay, qu'on se le dise), on se rend compte que le film le
plus transparent est Batman Forever, parfait divertissement calibré de fonctionnaire où les méchants sont très méchants et les gentils très gentils.
Bien que la phrase qui suit risque de faire mal à quelques-uns, Batman et Robin s'affiche comme une oeuvre relativement mieux maîtrisée et plus affirmée
que son prédécesseur.
Que ceux qui ont pris Batman & Robin au sérieux reconnaissent leur erreur : il n'a jamais été question de faire un film sérieux. Tous les éléments nous
le prouvent. Les dialogues n'ont décemment pas pu être écrits pour paraître sérieux, il devait forcément y avoir de la dérision dedans! On ne citera que ces répliques pour se convaincre :
- Je veux une voiture, les filles en sont dingues.
- C'est pourquoi Superman bosse seul.
- Laisse-moi deviner... Botanica? Eco-Lady? Donne-moi le diamant, Garden-Girl, ou j'te refroidis les branches!
- Ma pelouse est dans tous ses états.
- Je dois aller chercher les diamants qui sont dans ma caverne.
- Je te les empoignerais bien, tes diamants!
On ne peut difficilement pas voir le sens caché des deux dernières! Et pourtant, Batman & Robin s'affiche encore plus que ses prédécesseurs comme le
divertissement familial ultime, Joel Schumacher ayant été obligé de faire apparaître au moins une fois tel ou tel véhicule pour le compte des fabricants de jouets. Le réalisateur va plus loin
encore et se moque ouvertement de ceux qui ont qualifié ces films d'oeuvres gays, en témoigne une scène ridicule où Freeze manipule des leviers (de forme phallique bien entendu) en poussant des
"ho oui" significatifs.
Plus encore que Burton l'avait fait avec Batman Returns (il avait réduit l'impact des fabricants de jouets), Schumacher retourne la machine contre
elle-même et livre un divertissement qui ne peut pas se prendre au sérieux. Il y a bien évidemment eu pression à certains moments (Batgirl n'est là que pour sensibiliser les petites filles au
monde de Batman, Bane ne sert qu'à faire un jouet en plus) mais à part ça, le film est presque complètement auto-parodique (on pourra y voir un hommage à la série des années 60 avec Adam West).
Seule l'intrigue d'Alfred et les motivations de Freeze apparaîtront réellement dramatique, mais aussi très ennuyeuses et surtout n'ayant pas leur place dans cette comédie du
dimanche.
Tout ce que les critiques ont descendu dans Batman Forever, Batman & Robin ne fait qu'en remettre une couche. L'aspect visuel du film est sujet à
débat. Jamais les lumières flashies auront été aussi nombreuses à l'écran, et ce pour n'importe quelle raison. Cela incluera les dents de Freeze et la glace (toujours bleue, jamais blanche). Le
scénario en lui-même atteindra des sommets de ridicule! Freeze qui utilise pour survivre une armure se rechargeant aux diamants : une tentative trop facile pour expliquer pourquoi le personnage
est devenu un criminel. Serait-ce volontaire? Sûrement!
Le sommet de la comédie est même atteint avec quelques situations très cocasses où intervient Poison Ivy (Uma Thurman s'en sort plutôt bien dans le rôle), notamment
le moment où s'engage une vente aux enchères serrée entre Batman et Robin. L'occasion également de faire référence plusieurs fois à l'opus précédent avec une carte bleue certifiée "Batman
Forever" (parodie de la pub pour American Express?) et les costumes de l'Homme-Mystère et de Double-Face dans les vestiaires de l'asile d'Arkham (volontairement parodique : Double-Face ne peut
pas être à Arkham). On cite encore une fois les dialogues que seuls les plus grands pourront comprendre ainsi que Batman et Robin invités à un gala, et vous aurez compris que Batman &
Robin s'inscrit dans la droite lignée des bizarreries qu'on aime en cachette.
Certaines scènes sont des monuments de série Z : une poursuite en voitures sur le bras d'une statue d'Apollon, un combat dans une fusée, des héros qui planent dans
les airs sur des portes en métal... D'autres sont quant à elles moins bien assumées (la scène finale à l'observatoire), contrairement à un Schwarzenegger maquillé en bleu qui lève ses bras au
ciel et dit "D'abord Gotham! Ensuite, le monde!". Les autres acteurs ne sont pas en reste : Uma Thurman en plein monologue, George Clooney complètement (volontairement, sûrement) perdu en
Batman...
Avec autant d'éléments en main, Batman & Robin mérite-t-il son titre de navet? Difficile à dire. Il est clair que cet épisode se démarque des
précédents par une peur du ridicule complètement absente, un ton auto-parodique assumée et surtout des stars qui n'ont rien à faire là et s'amusent en même temps que nous. On en retient une
oeuvre étrange et unique, sorte d'Ovni kitsch volontairement ridicule et mièvre.
Reste une Poison Ivy divinement "série-Zdienne"