Ca y est! C'est chose faite! Je suis l'heureux possesseur des quatre saisons de la série TV Heroes en DVD. On remercie les promotions de la Fnac qui se
déroulent de mai à juillet et qui consistent à ramener le prix extraordinairement élevé de certains coffrets DVD à quelque chose de plus raisonnable (20 ou 30 € selon la série et/ou son
ancienneté/popularité), en plus du fameux "pour deux achetés, le troisième offert".
L'occasion de compléter la collection avec les deux saisons qui me manquaient : la 2 et la 4. L'occasion aussi, après un visionnage de l'intégralité des épisodes en
hyper bonne qualité, de revenir sur ce qui a fait le succès et la descente aux enfers d'un show qui n'a cessé de décevoir avant de s'achever en queue de poisson.
Procédons par thématique.
Le sujet : les superhéros
La série parle de gens ordinaires qui se découvrent des pouvoirs extraordinaires. Un synopsis basique pour une histoire classique de superhéros comme on en connaît des tas. Celle qui s'en rapproche le plus est certainement X-men de par le nombre (assez élevé voire trop) de personnages qui agissent
seul au début (la découverte de leurs aptitudes) puis en groupes.
Les superhéros sont aussi un thème peu usité dans les séries TV, il faut le dire. A part des tentatives assez moyennes (Mutant X), trop kitsch (Loïs
& Clark) ou définitivement trop tournées vers un jeune public (Smallville, qui lorgne du côté de Buffy et de Charmed), seul Heroes rend un hommage
vibrant aux comics, ce qui s'en ressent au travers du formalisme général de la série.
Le formalisme général de la série
Par formalisme général, on peut aussi entendre "emballage". Je parle du générique de quinze secondes, mystérieux à souhait (l'éclipse, le titre, le nom du créateur,
le thème musical : simple et efficace) mais aussi de la police d'écriture digne des BD pour présenter le casting ou encore de l'incrustation des titres dans des éléments du décors (dans un
micro-onde, sur une tasse, sur une toile, etc) ou la localisation des personnages dans le temps et l'espace (un peu comme le fameux "pendant ce temps..." des BD classiques).
Il faut aussi souligner les thématiques de l'histoire. La série se divise en quatre saisons mais, parmi ces quatre saisons, on compte cinq volumes (ou cinq tomes)
qui ont chacun leurs thématiques. Dans l'ordre a-t-on :
- Genesis : la découverte des pouvoirs, la crise d'identité, la présentation des personnages principaux ;
- Generations : une thématique familiale très forte, ou comment les enfants doivent réparer les erreurs de leurs parents ;
- Villains (honteusement traduit : "les traître" ...) : le bien ou le mal, la lumière ou l'obscurité, la division manichéenne, l'éternel choix subordonné
au vécu, aux expériences, au ressenti et à sa propre nature ;
- Fugitives : la stigmatisation, la chasse à l'homme, le terrorisme ou les superhéros contre le gouvernement qui connaît leur existence mais veut étouffer
l'affaire ;
- Redemption : le retour à une vie normale, à une acceptation de sa condition, au pardon.
Un sixième volume s'ouvrait à la fin de la saison 4 et était intitulé A Brave New World ("le meilleur des mondes", en VF) : la rélévation au monde de
l'existence de gens ayant des pouvoirs. Mais en raison d'audiences catastrophiques, de scénarii tournant en rond et de coûts de production trop élevés, la série fut arrêtée en mai 2010. A tort ou
à raison? Pas de réponse tranchée sur la question car il faut l'avouer : Heroes a souvent fait des erreurs grossières, même si de très bonnes idées étaient dispatchées un peu partout.
Une des qualités premières de la série qu'on avait tendance à oublier, c'était quand même son budget.
Un budget conséquent et de bonnes éditions DVD
Une série TV avec un budget, c'est une bonne chose.
N'oublions pas que c'est un média censé coûter moins cher qu'un film qui sortira au cinéma. Avec son budget, Heroes s'est permis de posséder un certain
nombre d'atouts techniques qui ont indéniablement participé à son succès : une bonne réalisation, une bonne photographie, de bons effets spéciaux dans l'ensemble (certains plus réussis que
d'autres mais la quête de la perfection est ardue), l'utilisation judicieuse des fonds verts, une bonne musique (on y reviendra) et de bons acteurs.
Un budget qui s'est aussi ressenti dans les éditions DVD car, soulignons-le, rarement des DVD n'auront donné autant de satisfaction, que cela soit au niveau d'une
image très belle (les couleurs, la netteté, les détails), d'un son très propre (tant pour la VF que la VO), d'une édition française intégrale et de menus très réussis.
Sur ce point, les quatre coffrets ont bénéficié d'un soin tout particulier qui donne une toute autre dimension au visionnage du feuilleton. Le petit plus qui fait
craquer? La possibilité de visionner en continu tous les épisodes d'un disque, sans se coltiner les résumés des épisodes précédents et génériques de fin qui cassent le rythme.
Tel que je vous le présente, vous vous dites sûrement que le show n'a pas l'air si mal. Mais je n'ai pas encore abordé ses grosses faiblesses. Et elles sont hélas
très nombreuses. A commencer par son sujet. Les superhéros, c'est cool mais ça ne plaît pas à tout le monde.
Aussi, la série s'adresse à une tranche d'âge entre 13 et 33 ans plutôt aguerrie à l'exercice. Egalement, le nombre élevé de personnages alourdit considérablement
un rythme qui, dans les premiers épisodes (la douloureuse et nécessaire étape de l'exposition des enjeux), n'est pas des plus rapides... A cela s'ajoute le fait que tous les personnages ne sont
pas intéressants et que, bizarrement, les scénaristes ont mis en avant les moins passionnants !
Un nombre élevé de personnages mais ...
C'est aussi un prétexte pour évoquer un casting plutôt sympathique qui a la qualité de n'avoir
que peu ou pas de têtes bien connues, histoire de renforcer le côté "tout-le-monde" des héros qui rencontrent des problèmes véritablement humains dans le premier volume : dépendance, crise d'ado,
crise d'identité, difficultés professionnelles, dettes, deuil, etc.
Malheureusement, on est vite perdu avec autant de personnages, de noms et d'histoires. D'autant plus qu'au tout début, chacun fait cavalier seul, ce qui donne lieu
à des intrigues et sous-intrigues qui n'ont souvent aucun lien entre elles, qui handicapent le rythme et accouchent alors d'un dénouement stérile.
Impression d'autant plus renforcée que de nombreux personnages intéressants ne font que passer (Ella, interprétée par la très craquante Kristen Bell) tandis que
d'autres, extraordinairement inutiles, restent le temps de deux saisons (Maya est un boulet fini) voire des quatre avec des résurrections très très louches (Ali Larter qui incarne au début des
jumelles puis ... des triplées! ou des clones, ou ce que vous voudrez histoire de dire que tous ses personnages meurent mais que l'actrice, elle, revient quand même).
Il y a aussi le duo asiatique Hiro/Ando, très vite énervant (yatta! TA G****!!), et Claire la pom pom girl qui arrive à garder la tête d'affiche seulement
grâce à sa jolie frimousse (son personnage ne sait pas ce qu'il veut : "je veux être normale", "je ne veux pas me cacher", "je veux ci", "je veux ça"). Il suffit de citer Sylar, Nathan, Noah et
Peter (les plus emblématiques) pour exprimer de nombreux regrets quant au fait qu'ils sont souvent sous-exploités et bénéficient d'intrigues indignes (la confrontation entre Sylar et son père
biologique dans le volume 4).
Il faut aussi noter certains guests et personnages réguliers qui font vraiment plaisir (Malcolm McDowell, Stan Lee, Robert Knepper, Zeljko Ivanek, George
Takei, etc) et force est de reconnaître que si les scénaristes ne maîtrisent pas leur sujet, la galerie de personnages attire souvent la sympathie, tant du côté des gentils que des méchants. Sans
oublier que le casting réunit souvent des acteurs se ressemblant fortement pour jouer des personnages de la même famille (ex. Claire et sa mère biologique, Matt et Maury Parkman, etc).
Malheureusement, les histoires, comme déjà dit plus hauts, se répètent et souffrent de ralentissements catastrophiques. Ainsi, si Heroes est
particulièrement bien emballé pour une série qui brasse pas mal de sous-genres (fantastique, action, drame, comédie, horreur), on peut crier haut et fort que ce qui a mené le show à sa perte, ce
sont les scénaristes qui se sont clairement pris les pieds dans le tapis.
... Des scénarios vraiment faiblards (à bas les voyages dans le temps)
Dès la saison 1, on sent les faiblesses de la série. A commencer par un rythme extrêmement lent dès les tous
premiers épisodes. Conséquence, une grande partie des spectateurs a décroché avant même que cela ne débute pour de vrai, et on peut les comprendre. Bien sûr, le
rythme s'accélère dès que les enjeux sont bien posés et qu'on a répondu à toutes les questions que se posent le public, ce grâce à des épisodes flashback/flashforward ou "en temps réel"
vraiment palpitants (l'épisode "L"homme de main" de la saison 1 qui met en scène une prise d'otages).
Malheureusement, si les allers et retours dans le temps sont devenus une véritable tradition au cours des quatre saisons, ce sont aussi des viviers à incohérences
scénaristiques. Alors certes, le thème du voyage spatio-temporel est extrêmement difficile à manipuler (surtout pour une série avec autant de personnages différents) mais force est de constater
que la majeure faiblesse de la série vient de là, en plus de sa redondance : un personnage vient du futur pour avertir quelqu'un du présent sur le fait que la fin du monde (dans l'ordre :
l'explosion de New York, la contamination du monde par un virus et une substance chimique pouvant donner à n'importe qui des pouvoirs ...) est proche et qu'il faut l'en empêcher.
Idem pour un autre travers : les peintures du futur. Quelque soit la saison (hormis la 4e qui y échappe), il y a toujours un personnage doté du don de peindre le
futur. Une initiative sympathique car les dessins sont dans l'ambiance comics mais là aussi un nid à embrouilles qui fait un véritable doigt d'honneur au paradoxe du grand-père (si on remonte
dans le temps pour tuer son grand-père alors qu'on n'est soi-même pas encore né, comment peut-on alors remonter le temps pour tuer son grand-père?).
Autant dans Dragon Ball et Retour vers le Futur, les voyages dans le temps
donnaient naissance à des époques alternatives (une bonne idée, surtout que la saison 1 de Heroes s'est beaucoup inspiré du personnage de Trunks de Dragon Ball pour le Hiro du
futur), autant dans Heroes cela ne veut strictement rien dire, et ce dès la saison 1 (encore que celle-ci ne s'en tire pas trop mal, comparée aux suivantes).
Enfin, l'ultime défaut de la série, c'est de ne jamais arriver à donner des finales dignes de ce nom aux volumes. Le combat entre Peter et Sylar (saison 1, volume
1) est un "pétard mouillé". L'affrontement de la saison 2 (volume 2) est du même acabit (mais on peut le mettre sur le dos de la grève des scénaristes). Idem pour le volume 5 (saison 4) où Robert
Knepper est réellement pitoyable, sans parler d'une baston s'annonçant épique entre Peter, Nathan et Sylar (volume 4, saison 3) et qui est finalement dissimulée au public par ... une porte!!!
Seul le volume 3 (saison 3) s'en sort avec les honneurs grâce à un épisode (3x13) bien ficelé malgré la mort trop rapide du bad guy (à la fin du 3x12).
Cela n'empêche toutefois pas le spectacle d'être appréciable. Malgré le flop des saisons 2, 3 et 4, la communauté Heroes vit encore car le show a permis la
naissance d'un univers déclinable sur de nombreux supports (dont les comics éponymes, sorte de mini-histoires se déroulant parallèlement aux intrigues de chaque saison).
De nombreuses références
Outre les qualités techniques et les failles scénaristiques, Heroes se démarque aussi par les références plus ou moins décelables. Bien sûr, on ne peut éviter le
rapprochement entre le duo nippon et des personnages de manga, ou encore la très facile comparaison avec les films de superhéros récents (Batman, Spider-Man et surtout
X-Men en tête).
Cela passe ensuite par du plus subtil (les costumes, qui se veulent à la fois moulants comme les traditionnels collants au couleurs flashie, ou amples, tels une
cape) voire de la référence purement cinématographique que seuls les plus attentifs (ou les possesseurs des DVD qui auront écouté les commentaires) reconnaîtront (Le Parrain dans
l'épisode 3x08).
Cela peut aussi être très bref (un plan hommage à Shining) comme plus équivoque (Retour vers le Futur, La Caravane de
l'Etrange, Dragon Ball). Il avait même été dit quelque part sur le net que Heroes était un "croisement réussi entre X-Men et le film Incassable de M. Night
Shyamalan". Au regard de l'ambiance, du rythme et de l'histoire, on ne peut qu'être d'accord avec ce dernier propos. Même du point de vue musical.
La musique, cette composante importante souvent oubliée
Loin est l'idée de comparer la B.O. de Incassable (un grand classique, signée James Newton Howard, aka JNH) et celle de Heroes (composée par Wendy
Melvoin et Lisa Coleman, aka Wendy & Lisa). Mais les deux sont très proches en ce qu'elles illustrent une ambiance de superhéros de manière unique et complètement inattendue. JNH utilise
quand même pour son thème principal ("Visions") des sonorités rap (!) tandis que Wendy & Lisa usent constamment du Shenkar (cet espèce de soupir mystérieux indhou). Ca chance de la
traditionnelle marche héroïque et cuivrée pleine d'espoir.
La B.O. de Heroes est à ce titre très soignée et très thématique, chaque personnage bénéficiant de son propre thème (Nikki et ses choeurs féminins furieux,
Sylar et son piano grave et lourd, Mohinder et son petit motif rapide et mystérieux, etc). Il est regrettable cependant que le seul album sorti, bien que très intéressant à écouter (musique
d'ambiance à réserver aux connaisseurs), ne reflète qu'à peine un dixième de ce qui a été composé pour les 78 épisodes. Quid de la déchirante musique qui se fait entendre pour la
dernière apparition de Nathan? Quid des multiples arrangements du thème de Sylar? Une nouvelle fois, les béophiles sont lésés.
Bilan (pour de vrai)
Au final, que retenir de ces quatre saisons de Heroes? Qu'on pourrait en dire encore beaucoup, mais que l'essentiel transparaît dans les lignes précédentes
: une série bien conçue mais des scénarii approximatifs, des personnages attachants et de bons acteurs mais beaucoup d'errements de la part des scénaristes, ce qui a valu au show de se terminer
véritablement en queue de poisson. La question se pose encore aujourd'hui pour son créateur, Tim Kring, d'achever l'histoire commencée en 2006. Mais sur quel support? Une ultime saison? Un
téléfilm? Un film? Une BD? Seul l'avenir nous le dira. Yatta.
Et on finit en beauté avec le générique : simple, court, efficace. Tout est dit en 15 secondes. Et on oublie le générique français, illustration du syndrôme
Prison Break/Faf La Rage :