Après Batman et Spider-Man, voilà qu'est venu le tour de Superman de passer à la moulinette reboot.
Le reboot, c'est quoi ? C'est le redémarrage. On repart de zéro pour créer une nouvelle histoire et faire table rase de ce qui a été fait par le passé.
Cela s'en différencie du remake qui, lui par contre, a pour principale (et parfois unique) ambition de faire un simple copier-coller du modèle.
Le reboot a parfois du bon. On l'a bien vu avec Batman grâce à Chistopher Nolan, un jeune réalisateur qui a souhaité privilégier l'aspect sombre et réaliste du personnage plutôt que de verser dans le comic pur jus. Il en a résulté une trilogie assez impressionnante (la Dark Knight Trilogy), déjà culte, qui tient plus du polar que du vrai film de super héros.
La recette était-elle pour autant transposable à Superman, personnage dont la côte ringardise est aussi flamboyante que le fameux slip rouge qu'il porte avec assurance ?
Réponse avec Man Of Steel, produit justement par Chistopher Nolan (qui a d'ailleurs co-écrit le scénario) et réalisé par Zack Snyder.
Zack Snyder est lui aussi un jeune réalisateur. Un jeune réalisateur qui déchaîne d'ailleurs les passions. S'il ne fait aucun doute qu'il s'agit d'un très bon technicien (300, Watchmen), les choses se gâtent un peu plus quand le monsieur s'essaye à écrire lui-même un scénario (Sucker Punch).
Heureusement, pour Man Of Steel, on n'a confié à Zack Snyder qu'une seule tâche : savoir tenir sa caméra. Ce qu'il fait assez bien d'ailleurs. On ne s'étonnera donc pas de retrouver ça et là les manies du cinéaste à coup d'images nerveuses et de couleurs délavées.
De toute manière, compte tenu d'un budget plus que confortable (235 millions de dollars), il aurait été surprenant que le spectacle ne soit pas à la hauteur d'un point de vue strictement technique.
Mais une maîtrise technique ne suffit pas à faire un bon film. Surtout quand il est question de faire un film sur le personnage de Superman qui, avouons-le, n'a pas eu droit à beaucoup de lectures depuis la sortie du premier film de Richard Donner en 1978 sobrement intitulé Superman : The Movie.
Pire, cette seule et unique lecture a perduré jusqu'en 2006 avec Superman Returns qui tenait plus de l'hommage semi-remake semi-suite que d'un véritable reboot.
Le projet de redémarrer une saga Superman traînait à ce titre depuis longtemps dans les tiroirs. Le personnage était devenu particulièrement has-been, surtout en raison du slip rouge et des lunettes érigées en déguisement du siècle.
Pour autant, la première lecture de Superman n'était pas dénuée de charme, surtout avec la relation faussement triangulaire Clark/Lois/Superman. Mais il était urgent, compte tenu de la barre placée haute par Batman et consorts, de redresser le tir et de s'axer sur une vision plus brutale, plus sombre et plus aride du personnage pour le faire entrer véritablement dans le XXIème siècle.
C'est dans cette optique que se place Man Of Steel. Ou du moins sa première heure, qui regorge d'idées en tout genre, souvent bonnes (les péripéties du jeune Clark), parfois passables (le coup du chien). Hélas, tout va trop vite et on ne s'attache en définitive qu'assez peu aux nombreux protagonistes qui ne font que passer. La volonté de bien faire est réellement palpable et, pour le coup, on sent que la méthode de Batman Begins a été appliquée une nouvelle fois.
Seulement voilà : ça marche moins ici. Est-ce parce que cela se prête moins au personnage de Clark ? Ou est-ce la faute à un sentiment de redite ? Quoiqu'il en soit, ça marche peut-être moins mais ça passe quand même.
On est en terrain connu mais la narration éclatée à coups de flashbacks permet d'entretenir un certain mystère et attise la curiosité. Le spectateur se pose légitimement des questions (Clark va-t-il aller travailler au Daily Planet et porter ses fameuses lunettes ?) et ça, mine de rien, ça maintient son intérêt.
Autrement, l'histoire de Superman, tout le monde la connaît par coeur, peu ou prou, que cela soit par le premier film, les dessins animés ou encore les séries Lois & Clark et Smallville (dont Zack Snyder semble s'être pas mal inspiré pour certains aspects).
La seule véritable innovation consiste donc dans une approche très premier degré, ce qui constitue à la fois la force mais aussi la faiblesse du métrage. Là où tous les précédents films Superman cultivaient en les mêlant la romance et le caractère désuet du personnage (Superman Returns en est un parfait exemple), Man Of Steel fait le choix d'ancrer son héros dans une quête plus grandiose : être le sauveur de l'humanité en n'étant pas à proprement parler un humain mais un ambassadeur entre deux mondes.
Un parti pris louable qui transpire à fond la patte des scénaristes Christopher Nolan et David Goyer (qui ont d'ailleurs écrit l'histoire de Batman Begins) mais qui coûte à l'histoire et à la mythologie du personnage son côté léger. En effet, l'ensemble est très lourd à digérer. Certains critiques ont regretté, d'ailleurs, que Man Of Steel soit aussi long (2h20), étant donné que le matériau de base aurait aisément pu donner deux films distincts. Ce qui a d'ailleurs été fait avec le premier film Superman de 1978.
Prévu initialement comme un seul et unique film, il fut finalement scindé en deux : le premier raconte l'arrivée de Clark sur Terre et la manière dont il enfilera le costume, en se heurtant rapidement à Lex Luthor, son pire ennemi ; le deuxième, sorti en 1980, narre l'arrivée de Zod et ses compagnons, déjà aperçus dans le premier opus, ainsi que l'affrontement qui les opposera à Superman.
Là est l'occasion de soulever les problèmes de rythme qui affectent Man Of Steel puisque si la première demie-heure est pleine de promesses et prend son temps pour exposer les enjeux, tout s'accélère vers la moitié du film pour finalement s'enliser dans de l'action non stop et assourdissante, le tout grandement emballé par la composition massive et épuisante de Hans Zimmer.
Épuisant, c'est à ce titre le mot qui peut le mieux qualifier Man Of Steel. Ambitieux, le film de Zack Snyder l'est assurément. Mais on sent le paradoxe poindre entre d'une part la volonté de faire de Superman un personnage plus sombre et réaliste et, d'autre part, le parti pris clairement affiché de pure science-fiction.
Le personnage de Batman ne se heurtait pas à cette difficulté. L'univers partait en effet du postulat d'un milliardaire humainement "normal" qui se transforme en super héros grâce à son argent. Dans un autre registre, Spider-Man narre l'histoire d'un jeune homme qui jongle entre une mutation accidentelle qui lui donne d'extraordinaires capacités et son quotidien d'étudiant.
Or, Superman part du principe même que Clark (ou Kal-El) est un extra-terrestre. Difficile de s'axer sur du réalisme avec une telle idée de départ, et ce n'est pas l'humanisation du héros qui y changera quoi que ce soit.
Humanisation qui, au demeurant, apparaît assez timorée. Tout au plus l'aperçoit-on dans la séquence où Clark essaye de maîtriser son vol mais c'est tout. Constat un peu faible.
De même, le personnage reste incroyablement lisse. L'acteur Henry Cavill fait en soi un bon Clark/Superman au sens noble du terme : tout beau, tout lisse mais aussi tout propre. La modernisation a fait son oeuvre dans le cadre d'un costume qui a réellement la classe (exit le slip rouge) mais on sent qu'on n'est pas allé au bout des choses dans la psychologie du personnage là où les flashbacks de l'enfance aperçus dans la bande-annonce annonçaient de bonnes choses. Que nenni. Les flashbacks sont presqu'anecdotiques et ne font que le minimum syndical.
Là est d'ailleurs un autre paradoxe du film : à la fois trop long, il va trop vite sur les autres personnages qui ne font que passer, malgré un bon casting. Russel Crowe est sûrement celui qui s'en tire le mieux. Mais que dire de Kevin Costner (Jonathan Kent) ou de Lawrence Fishburne (Perry White qui, pour une fois, est black) ? Pas grand chose.
Certains personnages s'en tirent mieux mais c'est limite limite. Soit dit en passant, la craquante actrice Amy Adams fait plutôt une bonne Lois Lane (le côté impétueux) mais aurait aussi mérité une meilleure caractérisation.
Après, peut-être que tous ces écueils viennent du fait qu'il s'agit d'un film d'exposition dont une suite est d'ores et déjà prévue. Le tir peut être rectifié bien que, pour le moment, il ne semble pas aller dans la mauvaise direction.
Quoiqu'il en soit, le pari de dépoussiérer le personnage est plutôt réussi pour peu que l'on adhère à la mode initiée par Christopher Nolan. Mais il est encore trop tôt pour savoir si Man Of Steel sera plus tard considéré comme un "classique" car, pour le moment, on n'y voit là qu'un blockbuster plus soigné que la moyenne, et qui souffre des défauts inhérents au genre.