L'été 2008 fut une bonne année en terme de cinéma. Outre un touchant Wall-E, inventif et courageux, la période fut
surtout marquée par la suite du Batman Begins de 2005, à savoir The Dark Knight, qui confronte cette fois le ténébreux Batman au non moins célèbre Joker.
Initialement prévu en deux parties, le projet fut toutefois abandonné pour plusieurs
raisons, notamment le décès soudain de Heath Ledger, l'acteur qui prêtait ses traits à ce fameux vilain.
Toutefois, The Dark Knight demeurait indubitablement un excellent film, encensé par la
presse comme par le public. La prestation du regretté Heath Ledger y est pour beaucoup (il décrochera l'Oscar du meilleur acteur à titre posthume) mais cet épisode recèle suffisamment de qualités
pour s'en affranchir, à commencer par le personnage de Harvey Dent (autre personnage emblématique de l'univers) et l'importance accordée à Jim Gordon (Gary Oldman, parfait comme
toujours).
The Dark Knight se finissait de manière assez pessimiste. La fin restait certes ouverte
mais il n'y aurait eu aucun mal à ne pas donner de suite.
(Mal)heureusement, l'appât du gain est souvent fort, surtout concernant un Batman au
cinéma, et cela est sans surprise qu'un troisième épisode fut mis en chantier avec la même équipe, à laquelle viennent se greffer quelques petits nouveaux (dont Joseph Gordon-Levitt, Tom Hardy et
Marion Cotillard, rescapés du très bon Inception, et la sexy Anne Hathaway).
L'annonce d'un nouveau Batman est toujours un évènement en soi, surtout pour ce qui est de
savoir quels seront cette fois les méchants (ainsi que leurs interprètes). S'il y a bien un super-héros (mais Batman peut-il être qualifié de super-héros stricto sensu ?) qui possède la galerie
de vilains la plus intéressante et la plus fournie, c'est certainement Batman. Entre les incontournables Joker, Double-Face, Pingouin, Homme-Mystère, Mister Freeze, Poison Ivy, Gueule d'Argile,
Chapelier Fou ou encore Ra's Al Ghul, il y a de quoi faire !
C'est avec un certain scepticisme que l'on apprit que Bane et Catwoman seraient les
prochains ennemis, là où de nombreuses rumeurs évoquaient l'Homme-Mystère ou encore Poison Ivy, des personnages quand même plus célèbres.
Pourquoi scepticisme ?
Parce que Bane est un personnage relativement récent (apparu pour la première fois en
1993) assez peu connu du grand public, et assez mal utilisé dans les quelques médias où il est apparu (il est cantonné au rôle de gros bras dans Batman & Robin, et dans la série animée des
années 90).
A partir de là, comment bâtir une intrigue solide autour d'un Monsieur Muscle ? Mais une
nouvelle fois, si l'on connaît un peu les comics, Bane ne se résume pas à un catcheur mexicain. C'est aussi un petit génie. Ce qui rend le personnage plus intéressant.
Quant à Catwoman, on pouvait légitimement se dire "difficile de succéder à la sublime
Michelle Pfeiffer du génial Batman Returns". Mais compte tenu de ce que le Joker de Heath Ledger a donné alors même qu'il passait après le grand Jack Nicholson, nul doute que l'on pouvait
s'attendre à quelque chose de prometteur malgré tout, tant que le réalisateur Christopher Nolan était aux commandes
L'été 2012 arrive plus ou moins rapidement avec son lot de grosses sorties attendues (dont
le reboot de Spider-Man) mais un tragique évènement portera à mal la réputation de The Dark Knight Rises. Lors d'une première américaine, un psychopathe ouvre le feu dans la salle de cinéma en se
revendiquant du Joker.
A partir de cet instant, le film est pointé du doigt. Les critiques presses mitigées s'en
ressentent. Long, violent, douteux, intelligent, bavard, apocalyptique, génial, désastreuse prestation de Marion Cotillard... The Dark Knight Rises partage.
Une question demeure toutefois : le long-métrage aurait-il autant partagé s'il n'y avait
eu la tuerie ?
Ou bien The Dark Knight Rises est-il réellement une déception ?
Etudions la question de plus près.
On a pu qualifier le film de long. Il est vrai qu'il n'est pas court. Le précédent épisode
lui-même affichait quand même une durée de plus de deux heures. The Dark Knight Rises est légèrement plus long mais aussi un peu moins rythmé. La première partie prend son temps pour exposer la
situation mais, surtout, pour présenter les nouveaux et nombreux personnages. Peu d'action à part l'impressionnante introduction, et donc beaucoup de bavardages.
La suite des évènements sera plus mouvementée, et en cela, les fans d'action auront de
quoi se rassasier, pour peu qu'ils aient aimé les cascades des deux précédents films. Car il faut dire que Nolan a une manière bien à lui de filmer, donc on aime ou on n'aime pas. A chacun de se
faire sa propre opinion là-dessus.
Mais il ne faut pas oublier que Batman, ce n'est pas que de l'action. Bien au contraire.
En cela, Tim Burton l'avait extrêmement bien compris, surtout dans un Batman Returns très personnel à l'auteur. Christopher Nolan met également l'accent là-dessus, et cela s'en ressentait dès le
Batman Begins de 2005 dont les principaux défauts résidaient dans ses scènes d'action illisibles, ce qui permettait d'insister sur la psychologie de Bruce Wayne.
Là où The Dark Knight insistaient sur les psychologies du Joker et de Harvey Dent, The
Dark Knight Rises évoque surtout un retour aux sources, bien que s'inscrivant dans la continuité de l'épisode précédent. En témoigne le personnage de Catwoman dont la quête consiste à vouloir
effacer son propre passé pour repartir de zéro, ou encore la résurrection de la Ligue des Ombres avec le personnage de Bane qui se pose ici en héritier de Ra's Al Ghul (ce qui s'avère être une
très bonne idée).
Le personnage de Bruce Wayne lui-même, affaibli psychologiquement et moralement, et qui a
cessé d'être Batman depuis la mort de Harvey Dent, se demande s'il doit reporter le costume de Batman ou non, ce qui n'est pas sans faire un parallèle avec le schéma du premier film (perte d'un
être cher, remise en question, recherche d'une solution qui consiste à s'habiller de noir et à aller taper sur les bandits la nuit).
The Dark Knight Rises pose des problématiques intéressantes et assez osées, et qui sont
susceptibles d'évoquer un certain malaise : le blocus de la ville, le plan particulièrement bien charpenté des terroristes menés par Bane, la neutralisation des forces de l'ordre, etc. Certains y
verront même un message politique (soit, admettons mais n'instrumentalisons pas tout non plus).
Le réalisateur et son équipe ont mis les bouchées doubles, à la fois sur une réalisation
musclée et sur un scénario poussé.
Mais le bât blesse surtout dans la mise en oeuvre. Car The Dark Knight Rises commet des
erreurs grossières qui nuisent considérablement à l'ensemble.
La première qui vient à l'esprit (car elle fait aussi très “people”) est l'utilisation de
l'actrice française Marion Cotillard, rescapée de Inception. Christopher Nolan la voulait à tout prix. Il l'a eu et s'en mord peut-être un peu les doigts. La jeune femme avait un emploi du temps
chargé en plus d'être enceinte. Nul doute que le tournage d'un Batman n'était pas sa priorité et qu'elle a voulu faire plaisir à un ami insistant. Sa prestation est assez moyenne (aucune alchimie
entre elle et Bruce, ce qui est presque contre-nature quand on connaît le comic) mais le comble est bien évidemment sa dernière scène. Inutile d'en faire l'apologie ici : tout a été dit et redit,
que cela soit dans les magazines et les reportages. Soulignons juste que Guilaume Canet, défendant légitimement sa compagne, n'a pas manqué d'imputer la responsabilité au réalisateur lui-même qui
n'a pas su choisir une meilleure prise. De quoi alimenter le débat, donc, si meilleure prise il y avait.
C'était pour le plus gros mais d'autres petits trucs viennent considérablement desservir
cet épisode : Bruce Wayne qui s'infiltre dans Gotham alors même que l'armée en interdit l'accès après s'être échappé d'une prison dont on ignore l'emplacement, des policiers qui courent sans arme
vers des terroristes munis de mitraillettes, un Batman dont tout le monde découvre aussi facilement l'identité, etc.
Bref. Que de la facilité qui fait quand même bien mal. A cela s'ajoute aussi un manque
flagrant de surprise, que cela soit de la part du compositeur Hans Zimmer (qui nous ressort un peu toujours la même sauce) ou tout simplement des personnages féminins que Christopher Nolan ne
sait toujours pas mettre en valeur (à l'exception des fesses de Catwoman).
Heureusement, les hommes rattrapent le coup. Outre les personnages familiers (Alfred, Fox
et Gordon en tête, bien qu'un peu en retrait), il faut saluer l'arrivée de John Blake (ainsi que le malicieux clin d'oeil dont il fait l'objet, même s'il n'est guère surprenant pour les Bat-Fans)
ainsi que l'impressionnante prestation de Tom Hardy pour le personnage de Bane (son regard en dit long, surtout qu'il ne s'exprime QUE par le regard).
Au final, The Dark Knight Rises est-il une déception ? Nous avons envie de répondre “oui
et non” mais cela serait trop facile. Plutôt non. Cela reste indubitablement un très bon film, dans la lignée des précédents, même si un cran en-dessous, pour les raisons susmentionnées, ainsi
qu'une remarquable conclusion (car succéder à The Dark Knight n'était pas chose facile avec son Joker).