Il y avait de quoi grincer des dents. Sony, qui détient les droits de Spider-Man, projette un quatrième épisode, après le succès du troisième, plutôt bien accueilli par le public malgré des critiques mitigées de la part des nombreux puristes qui n'ont pas aimé le traitement réservé à Venom.
Contre toute attente, au lieu de Spider-Man 4, c'est la nouvelle d'un reboot qui est annoncée, à l'image de ce qui avait été fait pour la saga Batman.
Mais là où Batman renaissait de ses cendres après huit ans d'absence sur les écrans en raison d'un épisode désastreux (Batman & Robin), Spider-Man subit un formatage moins de cinq ans après la sortie d'un dernier épisode plus qu'honorable.
Cela n'est pas sans susciter de vives critiques parmi la communauté, et beaucoup jurent de ne pas aller voir ce nouveau film pour cette raison.
Ils auraient pourtant bien tort.
Outre les raisons obscures qui ont amené Sony à opter pour une telle initiative (raisons juridiques et financières : si un nouveau film ne sortait pas bientôt, les droits sur le personnage étaient perdus), le reboot de Spider-Man, intitulé The Amazing Spider-Man, constitue une bonne surprise en ce début d'été.
Peut-être parce que les gens n'attendaient pas grand chose d'un nouveau film de superhéros narrant en plus une histoire qui avait déjà fait l'objet d'un bon traitement dix ans auparavant.
Les noms attachés au projet n'évoquent au premier abord pas grand chose au profane. Le réalisateur, Marc Webb, n'a à son actif qu'une sympathique comédie romantique. A-t-il pour autant les épaules pour s'attaquer à une nouvelle adaptation des aventures du plus célèbre héros Marvel ?
La réponse est définitivement oui. Optant pour une approche plus moderne de l'univers, Webb (au nom prédestiné) tisse en toile de fond un aspect complètement oublié du personnage de Peter Parker dans la précédente trilogie, à savoir le traumatisme subi par la perte de ses parents.
Pour le reste, on suit grosso-modo les mêmes péripéties qu'ailleurs (la piqûre, la transformation, la perte de l'être cher) mais, bizarrement, le traitement est tellement différent que cela ne choque pas plus que ça.
Il y a déjà cette volonté de coller un peu plus au comic, avec le fait que Spider-Man projette ses toiles non pas avec son corps mais avec un système mécanique attaché à ses poignets.
De même, exit la romance nunuche avec Mary-Jane Watson, et place à un flirt avec Gwen Stacy, interprétée par la très charmante Emma Stone. Et c'est sûr ce point que Marc Webb fait fort. Là où Sam Raimi s'embourbait dans une guimauve sans fin dans laquelle on ne croyait pas (le binoclard timide et gauche qui arrive à sortir avec son amour de lycée maintenant qu'il enfile des collants), le reboot offre une approche plus fluide en faisant de Peter Parker un marginal plutôt confiant, plus proche des adolescents d'aujourd'hui (skate et sweat à capuche à l'appui), mais surtout plus exposé aux blessures (il revient tous les soirs salement amoché après avoir joué l'Araignée toute la journée, ce qui n'est pas sans inquiéter sa tante May).
Andrew Garfield, acteur sur la pente ascendante, incarne plutôt bien ce jeune ado, en pleine crise de la puberté (maigre, grand, incapable au début de maîtriser son propre corps), cet aspect qui transparaît tout le long du métrage là où celui de Raimi ne s'y attardait que quinze minutes, et renforce le capital sympathie du personnage, bien plus authentique que le cliché du binoclard matheux et acnéique.
Bien évidemment, ce reboot n'est pas dénué de défauts. Outre des scènes d'action efficaces et des effets spéciaux moins "bouillie numérique" que ceux de la première trilogie, le bémol réside surtout dans le personnage du méchant, à savoir le Lézard.
A aucun moment on ne s'attache à cette énième variation de Docteur Jekyll et Mister Hyde. Le visage de la créature est plutôt décevant, même si le reste du corps correspond plutôt bien aux attentes légitimes des spectateurs. Non, vraiment, pour le coup, on regrette ce traitement expéditif là où la première trilogie était pleine de promesses (introduction du personnage dès le deuxième épisode, latent dans le troisième).
Heureusement, le spectacle assure suffisamment à d'autres niveaux et propose une relecture plaisante de l'Homme-Araignée. On pourra toujours critiquer le fait que ce reboot intervient (trop) rapidement mais le bouder serait une bien mauvaise chose car il s'agit là d'un bon divertissement.